mercredi 21 décembre 2016

Le Haïk féminin du Maroc

Le Haïk féminin



Le haïk est un drapé porté au Maroc, autant par les hommes que par les femmes. Toutefois, nous nous concentrerons aujourd'hui sur le haïk féminin. Cet art du drapé remonte à la plus lointaine Antiquité et est un héritage culturel et social présent dans tout le sud du bassin méditerranéen. Dans certaines régions du Maroc, la femme enroule le haïk autour de son corps à la manière du peplos grec, avant qu'elle ne ramène le bout sur sa tête, ce qui appuye la thèse de l'origine antique du vêtement. 
Le mot haïk découle du verbe "haka", dont la racine veut dire se cacher, s’envelopper, se protéger du regard de l’étranger. En effet, pour la femme marocaine, le haïk a toujours été symbole de pudeur et était le vêtement d'extérieur par excellence. Toutefois, le haïk est en voie de disparition. Mis à part quelques femmes qui le portent encore dans les villes de Chefchaouen, Essaouira ou Figuig, ce vêtement a disparu du paysage. 

Le tissage du haïk

Le Maroc, pays du savoir-faire artisanal par excellence, a toujours su se démarquer par ses tissages de qualité. Par ailleurs, la diversité des matériaux utilisés pour fabriquer les haïks est étonnante (soie, lainage épais, lainage fin, coton etc.).  

Les haïks et les régions du Maroc

La couleur et le drapé du haïk diffère de région en région. Tous les haïks des citadines marocaines sont blancs, rarement traversés d'une bande bleue ou rouge. Seul le haïk noir de Rissani (dans le Tafilalet) et de Taroudant (dans la région du Souss, où il est appelé tamelhaft et a été de nos jours, remplacé par un haïk bleu), fait exception. 

Dans les prochaines publications, je parlerai des variétés de haïks marocains. 



Référence : 

Frédéric Damgaard (2008) Tapis et tissages : l'art des femmes berbères du Maroc. Eddif. 

lundi 19 décembre 2016

Caftans du Maroc


CAFTANS DU MAROC


Le caftan trouve ses origines chez les Perses et aurait été introduit dans l’Orient musulman vers le VIIIème siècle. Les Omeyyades suivirent cette tradition en Andalousie. Au Maroc, le caftan est un héritage andalou médiéval. En effet, des textes médiévaux du temps des Mérinides, puis des Sâadiens font mention de ce vêtement porté par les Marocains. 
Au fil du temps et selon les régions, il a acquis des spécificités. Jusqu'au début du 20ème siècle, il était possible de distinguer les caftans des différentes régions.

Le caftan de Rabat

Le caftan de Rabat est un caftan en velours, souvent rouge, violet, vert ou bleu sombre. Il est brodé au fil d'or, mais d'une façon qui lui est particulière et que l'on retrouve également sur la jupe porte-feuille de la keswa el kebira (ou robe de cérémonie des femmes juives marocaines).

Le caftan d'Oujda

Le caftan de la ville d'Oujda a la particularité d'avoir les manches courtes. Il est en velours brodé au fil d'or. C'est notamment le seul caftan qui ait été porté en Algérie et en Tunisie, puisque c'est le caftan Ottoman. Aujourd'hui, c'est le caftan marocain moderne qui est porté dans ces deux pays lorsqu'il s'agit de caftans. 

Le caftan de Tétouan

Le caftan de Tétouan est celui que l'on voit le plus souvent sur les tableaux de peintres orientalistes (voir tableaux ci-dessous). En effet, le nord du Maroc a été le plus ouvert sur le monde extérieur, et de nombreux peintres ont été émerveillés par les couleurs, les costumes et l'architecture des villes du nord du Maroc comme Tanger et Tétouan.  Le caftan de Tétouan, porté également à Tanger, est évasé et est taillé dans divers tissus de soie et de brocard. Ses manches, très amples, arrivent à mi-coude. Il est porté ouvert sur des pantalons (seroual) et un gilet (Bed'iyah). Ce caftan se caractérise par sa passementerie aux motifs appelés khonjar (poignard). 

Louis Auguste GIRARDOT (1856-1933) « Marocaine de Tétouan »

Louis Auguste GIRARDOT (1856-1933) « Jeune femme sur les toits de Tétouan »


Le caftan de Salé

Le caftan de Salé est taillé dans du velours de couleur foncée. Il se caractérise surtout parl'abondance des broderies au fil d'or selon la technique de Tarz Lem'allem.


Les caftans de Fès

Le caftan type de Fès est moins large que celui de Tétouan et ses manches sont beaucoup plus étroites. Il est donc en forme de T et est à l'origine du caftan marocain moderne. Fès a été, jusque dans les années 60-70, la capitale de la mode marocaine. Son influence vestimentaire s'est faite jusque dans l'Ouest de l'Algérie actuelle, puisque Fès était la capitale maghrébine de l'art vestimentaire hérité de l'Andalousie.
Le caftan de Fès peut être taillé dans divers tissus et brodé de diverses manières, mais garde toutefois sa forme typique. 

Le caftan de Fès en brocard
Il est fait de brocards qui pouvaient venir d'Orient, d'Europe, ou étaient fabriqués sur place. Fès, d'ailleurs, est l'un des derniers endroits au monde où les brocards sont encore tissés à la main. Ceux-ci portent divers noms : Khrib, Bahja, Deniajat entre autres. 

Le caftan en velours 
Il peut être brodé de deux façonsLe premier est Qaftane Nta'a, qui tient son nom de la broderie du même nom (Tarz Nta'a).On retrouve souvent, sur les pans de ce caftan, des broderies en forme de paon. Ces broderies sont typiques du travail des juifs de Fès, motifs que l'on retrouve également sur les bijoux fabriqués dans cette ville. Ce caftan, à l'origine porté par les hommes juifs, a été ensuite adopté dans les milieux musulmans de Fès, puis dans tout le reste du Maroc. Le deuxième est Qaftane Tarz Lam'allem. Celui-ci tient également son nom de la broderie qui le caractérise. 

La mansouria


La mansouria est un vêtement transparent, porté par-dessus le caftan. Il tient son nom du Sultan Sâadien Ahmad Al Mansour As-Saâdi, qui en fit l'invention. Tout d'abord un vêtement masculin, la mansouria fut adoptée par les femmes. Jusqu'au début du 20ème siècle, ce vêtement fut de couleur blanche, taillé dans des tissus transparents comme du tissu mousseline. Les femmes s'en servaient pour atténuer les couleurs du caftan, tout en les mettant en valeur. C'est ainsi que certaines, à Marrakech, l'appelèrent dfina (du verbe enterrer, pour « enterrer » les couleurs du caftan). D'autres, à Fès, la nommèrent Foqia (« celle du dessus », puisque portée par-dessus le caftan). Avec l'évolution du caftan au 20ème siècle, la mansouria prit une nouvelle forme : de nouvelles couleurs, de nouveaux tissus. 
La mansouria marocaine fit son entrée en Algérie au lendemain de l'indépendance de celle-ci, dans les années 60. Aujourd'hui, le caftan marocain porté en Algérie correspond à l'habit traditionnel tel qu'il a évolué au Maroc seulement.

“LE CAFTAN MAROCAIN EST UN SAVANT MÉLANGE D’ÉLÉGANCE, DE RAFFINEMENT ET DE CONFORT OÙ LE PASSÉ N’EST PAS RENIÉ.”

Le caftan marocain moderne

Le Maroc a su préserver ses savoir-faire ancestraux tels que le tissage, la broderie et le travail de passementerie à l’instar de la famille Ben Cherif qui perpétue le tissage du métier à la tire, du travail du fil d’or et d’argent ou de la broderie, laquelle connaît actuellement un épanouissement manifeste. Le caftan marocain a subi de nombreux changements. Taillé plus près du corps, de façon à mieux épouser la silhouette, il est devenu un vêtement moderne et élégant, facile à porter, mais paré d’un prestige qui tient de son passé légendaire. Il demeure le vêtement privilégié de la femme marocaine, qu’il s’agisse des jeunes ou des aînées.
Références

http://femmesdumaroc.com/caftan/rachida-alaoui-de-lorigine-du-caftan-122
Chafika Dib-Marouf (1984) Fonctions de la dot dans la cité algérienne : le cas d'une ville moyenne, Tlemcen et son ''Hawz''. Office des publications universitaires.
Rachida Alaoui (2003) Costumes et parures du Maroc. ACR.
Jean Besancenot (2000) Costumes du Maroc. Eddif.
Pradette Pichault (2007) Le costume traditionnel algérien. Maisonneuve & Larose.
Léeon l'Africain (1556) Historiale description de l'Afrique, tierce partie du monde. Temporal.

mercredi 27 juillet 2016

Chedda de Tétouan الشدة التطوانية



La chedda est le costume traditionnel nuptial de Tétouan dont les origines remontent à l'Andalousie musulmane.

La mariée porte un caftan en deux pièces et un hzam large ancien, importé de Fès et appelé Hzam Sqalli (tradition perpétuée par la famille Skalli). Par dessus, elle porte errda (izar berbère) blanche aux rayures dorées ou en dentelle. 

Sur sa tête, un foulard à franges (sebniya de bhar) ou un foulard rayé rouge, orange et or (sebniya de sqalli) donne la forme conique de la coiffure, auxquels se rajoutent plusieurs bijoux dont les assabas. 

Chedda avec sebniya de bhar


Chedda avec sebniya de sqalli

Chedda de Tanger pour le jour du henné, avec un minimum de bijoux
Croquis d'Eugène Delacroix



La mariée porte également des colliers appelés kheyt chîir (collier d'orge) ou kheyt el hout (collier de poisson) et qui sont des colliers à pendeloques étroites et allongées.  

Toutefois, ce qui caractérise principalement la chedda de Tétouan est l'usage de nombreux rangs de colliers de perles, appelés masso. Ces rangs de perles, séparés par des petites boules d'or et de pierres précieuses, ressemblent beaucoup aux bijoux nasrides et le nom ''masso'' est directement dérivé du terme castillan mazo. 

Notons par ailleurs que cette caractéristique de la chedda de Tétouan a été adoptée en Algérie dans les années 70-80. Effectivement, la chedda de Tlemcen ancienne, tout comme son homologue d'Oujda, ne se caractérisait pas autrefois par les rangs de perles typiques de la chedda de Tétouan. Photos anciennes pour preuve.


Chedda ancienne de Tétouan
Chedda ancienne de Tlemcen
Chedda ancienne de Tlemcen

Chedda ancienne de Tétouan





lundi 25 juillet 2016

Blouza Oujdia, robe d'Oujda


La blouza (ou blousa), également appelée keswa, constitue l’un des principaux éléments du trousseau de la mariée du Maroc Oriental. Bien qu'appelée ''oujdia'', en référence à la ville d'Oujda, la blouza fait également partie intégrante du costume traditionnel de la ville historique de Debdou. Enrichie de perles, paillettes et broderies fines, la blouza est portée dans la vie de tous les jours, mais aussi au cours des fêtes et cérémonies religieuses. Aujourd’hui, cet habit est malheureusement en perte de vitesse en milieu urbain, où le caftan et la takchita, portés traditionnellement dans les villes du Maroc Occidental, sont de plus en plus populaires.  


La blouza est un héritage morisque. Plusieurs familles musulmanes et juives refoulées d’Andalousie se sont d’abord installées à Debdou et Oujda. Certaines d’entre elles ont, par la suite, opté pour Tlemcen et plus généralement l'ouest algérien, ce qui explique pourquoi il y a une certaine ressemblance entre ce qui a été développé à Oujda et à Tlemcen quand on parle de la blouza, voire même dans le reste du patrimoine tel que l'art culinaire, la bijouterie, l'architecture et la musique.


La blouza classique est une robe de soirée ou d’intérieur. Elle est légèrement décolletée au niveau de la poitrine et du dos avec une broderie ornée de galons perlés de couleurs vives et de formes différentes. Souvent, ornementée de strass, de paillettes, de pompons de perles ou de sequins de différentes formes. Un énième trait distinctif qui ancre cette robe dans un espace socioculturel spécifique. Au fil du temps, la blouza a été soumise à de multiples influences locale, judéo-amazighe et arabo-andalouse qui lui ont permis de se diversifier en termes de confection et de choix des matières. Elle est portée avec sa «Tahtiya ou Jaltita» qui est une sorte de doublure en tissu fin et doux. 


http://www.leconomiste.com/article/969844-querelle-de-genese-autour-de-la-blouza-oujdie